Journal de bord.

Somewhere only we know

Le temps passe, les jours passent, et je reste là sans rien faire.
J’en peux plus de cette curiosité malsaine. Je veux tout savoir et finalement ça fait trop mal alors j’arrête mais c’est trop tard, j’en sais déjà assez pour que ça m’empêche de m’endormir paisiblement le soir, ça finit par se rappeler à mon souvenir dès que ça passe dans ma tête. Je ne suis finalement pas si forte que ça. Je pleure tous les jours depuis des mois, j’ai fait euthanasier mon plus vieil ami, j’ai observé ma famille se déchirer, j’ai vu mon corps me lâcher, j’ai senti mon couple se noyer, j’ai sûrement fini par abandonner sans même m’en rendre compte. Je ne travaille pas comme il le faudrait sur mes examens de M2. Je fais encore foiré ça. Encore. Peut-être que finalement je n’arrive toujours pas à avancer.
Je sens mes angoisses prendre le dessus et je ne sais pas comment l’éviter. Je sens la vague sombre sur mon esprit, je sens les nuages autour de mon bonheur. Peut-être que je ne sais pas comment aimer quelqu’un ?
J’ai rdv pour prendre un nouveau traitement. Trouble de la personnalité limite de ses morts. Je n’ai pas envie de tester encore un truc qui finira par ne pas marcher ou trop bien, je ne veux plus me sentir comme je l’étais avant, quand je prenais toutes ces pilules et que je ne savais si c’était moi ou si c’était les stabilisateurs d’humeur, les anti dépresseurs, les anxiolytiques, les anti psychotiques, les somnifères. Je vais enfin voir une psychologue aussi. Devoir raconter ma vie à nouveau. Mon passé chaotique, mon enfance désastreuse, mon adolescence malsaine et cette vie d’adulte cruellement instable.
Je parlerai aussi de Thomas, de tout ce que son existence crée en moi. Les doutes, les peurs, la jalousie malsaine, la curiosité obsessionnelle, l’attachement trop fort. Maintenant on met des mots là dessus, "la peur de l’abandon" , "la dépendance affective" , ce genre de choses quoi.
Je suis fatiguée par la vie. Lorsque ça finit enfin par se calmer, une autre horreur débarque tout de suite dans mon esprit, je n’ai plus de répit. C’est tout ce que je veux. Un peu de répit. Je suis fatiguée de me battre contre moi-même, de lutter inlassablement. Et d’être seule face à ça. Parce que je me sens jugée pratiquement en permanence, parce que je le ressens dans des paroles, dans des regards et dans les actes. Je sais que c’est un homme bien, mais jamais je ne m’étais autant ouverte à quelqu’un et parfois je me sens jugée quand je partage mes pensées les plus horribles. J’ai tellement honte de mon esprit, je voudrais que ça s’efface de ma tête, je voudrais avoir les mêmes pensées que quelqu’un de normal, qui va bien. J’ai vraiment besoin que ça aille mieux. Parce que je me sens mourir à petit feu et que je sais que ça commence comme ça.
Mais j’ai pris des rdv, j’ai fait des crises d’angoisse mais je m’en suis sortie, et ça ira mieux non ?
J’aimerais tellement avoir les idées claires.
Encore en vie, mais je ne sais pas pour combien de temps.